Le 9 février, OKO DJ présente la Pu$$y Nightmare à la Station - Gare des Mines. Un moment suspendu dans le temps qui propose une line-up qui virevolte entre live soft metal, spoken word, électronique expérimentale et club music. Une soirée pour les curieux et curieuses en quête d’un moment pour eux, la fête vécue autrement. Avant chacune de ses soirées, OKO DJ organise un cercle sacré pour offrir un espace de célébration en conscience aux femmes, aux personnes queers et aux minorités de genre. On a échangé avec elle sur l’importance de ces cercles, la magie présente dans ses soirées, et l’initiative derrière ces évènements.
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mana : J’aimerais discuter tout d’abord de ton choix de nom pour tes soirées “Pu$$y Nightmare”. Est-ce qu’il y a une référence particulière à mettre en avant ?
OKO DJ : C’est amusant que tu poses cette question, car je pensais récemment à changer de nom. Mais bon, je suis pas encore prête, je crois. Toujours est-il que je m'intéresse beaucoup aux rêves, depuis que je suis enfant. C’est quelque chose que je continue de rechercher et de provoquer.
J'aime tout cet imaginaire du rêve. Je me disais que le rêve de certaines personnes est parfois le cauchemar d’autres. Aussi, il y a quelque chose qui a fait très peur dans le sexe féminin tout au long de l'histoire. C'étaient un peu ces deux éléments-là que j'ai essayé de rapprocher. Ça s’est fait naturellement, sans trop de réflexion, un peu comme un collage.

Il me semble que tu joues sur la puissance de la parole féminine : lorsque la femme s’exprime, elle est contestée dans l’histoire. Est-ce que tu as des exemples de femmes qui t’ont marqué et qui te donnent la force d’aller à l’encontre de tout ça ?
Oui, bien sûr, j'ai tellement d’exemples, impossible de toutes les citer. Mais si je devais n’en citer qu’une, ce serait ma mère, ma première inspiration féministe.
En tout cas, la première fois que j'ai été vraiment choquée par le fait qu’on bride la parole des femmes, leur essence même, c’était au collège. Je devais faire une dissertation, et avec une copine on a décidé de le faire sur l'excision. C’est un sujet assez intense pour des jeunes femmes, mais c'était la première fois que je me rendais vraiment compte de toute la violence qu’on inflige aux femmes, et ce, parfois depuis leur enfance. Ça a été comme une révélation pour ensuite percevoir ce continuum de la violence dans mon environnement, à l’école, dans la société de manière générale.
Et ça m'a poussé à essayer de comprendre. Pourquoi la sexualité féminine fait peur ? Pourquoi la part sauvage de la femme et même, je dirais, de l'humain en général fait peur. Le sexe féminin incarne l’imaginaire, il me semble, l’indomptable, ce qui ne peut être contrôlé… Je crois que ma prise de conscience sur la différence de traitement entre les femmes et les hommes est partie de là. Après, chacune fait son chemin avec le féminisme.
Cette part de féminisme qui se manifeste dans la confection de tes soirées. Peut-être un rattachement particulier à l’éco-féminisme ?
Je pense que la façon dont je me vois, ainsi que mes soirées, aujourd'hui, est forcément un peu politique parce qu'il y a une prise de position. Mais finalement, moi, je ne conçois pas tant que ça comme quelque chose de politique, parce que j'ai justement envie de créer un moment de célébration.
Cette célébration, c’est mettre l'accent sur la beauté, sur ce qu'on aime, sur ce qu'on veut célébrer, et ça fait que ça doit être apolitique parce que sinon on est tout de suite quelque part dans la réaction par rapport à quelque chose d'existant.
J'essaie de proposer quelque chose qui est un petit peu différent, mais évidemment que si on devait rapprocher là où je me situe dans le féminisme aujourd'hui, il y a une part d’éco-féminisme.
C’est quelque chose qui me parle énormément. Oui, il faut protéger, il faut aimer, il faut essayer d'être en harmonie avec ce qui nous entoure avec le monde en général. Donc ça va de soi que la nature se rattache aux violences et l'oppression qui a été faite aux femmes et même à plein d'autres groupes de la population.
C'est important d'essayer de prendre soin. Je m'intéresse beaucoup aux femmes, à la médecine naturelle, la nature, les plantes, la forêt. Ce sont des éléments qui ont une place très importante dans ma vie et qui m'apportent beaucoup de réconfort, beaucoup de réponses, beaucoup de sérénité.
J'essaye un petit peu d'infuser ce bien-être dans les soirées, même si évidemment, ce n'est pas si facile parce qu'on est dans un club. C’est un espace assez détaché d'environnements naturels, mais toujours est-il qu'avec le pouvoir de l’intention et une pratique ritualisée, on peut quand même créer quelque chose d’intéressant.
Quel est le rôle du rituel avant tes soirées ?
J’organise des cercles de femmes depuis quatre ans maintenant, chez moi et aussi en ligne.
Là, j’en ai fait un pour la première pleine lune de l’année. C’est une tradition qui remonte à des temps très anciens. On pourrait rapprocher ça des « tentes rouges », où les femmes se réunissaient au moment du mois où elles avaient leurs règles. Comme on a pu parfois le croire ou le dire, elles n’étaient pas forcées de s’exclure de la société car considérées comme impures, mais utilisaient ce moment spécial du mois pour se connecter au divin.
Finalement, les cercles sont des moments privilégiés où on se retrouve pour partager des choses. Chaque cercle est à l’image de sa gardienne ou son gardien. Il n’y a pas trop de cercles d’hommes aujourd’hui, mais il faudrait qu’il y en ait pour tous types de personnes, car c’est la magie du cercle, ça rassemble.
C’est quelque chose que j’aime faire et je vois qu’il y a un impact et une utilité pour le petit nombre de personnes qui a pu assister à ces instants. Je me suis donc dit qu’il y avait un besoin d’avoir ce genre d’initiative dans un milieu comme la musique, qui est très cool, mais qui parfois manque un peu de profondeur ou de connexion. C’est très paradoxal, car c’est un environnement où on veut faire la fête, vibrer ensembles, partager l’amour, rire, avec ou sans drogue. C’est plutôt ça qui m’enchante : écouter de la musique avec exaltation. Parfois, on oublie de le faire en toute conscience.
Instaurer un rituel avant, ça permet de vraiment faire en sorte que tout se passe avec conscience. Quelle est ton intention pour la fête qui suivra ? Ça pourrait être : ce soir, je décide de prendre soin de moi, ou je reste sobre, ou je vais incarner la force, ou la douceur, ou encore, lorsque je parle avec une personne, je ferai en sorte d’être réellement disponible, je vais danser plus que d’habitude… Tous types d’intentions sont possibles. Mais ce qui est le plus intéressant, c'est de conscientiser et de ne pas juste traverser la soirée comme une poupée de chiffon qui se laisse tirer dans tous les sens par la fête, et son énergie.
Pourrais-tu nous expliquer à quoi on pourrait s’attendre d’un rituel avant la Pu$$y Nightmare ?
C'est ouvert à toutes les fxmmes, aux personnes queers et non-binaires. En mixité choisie, car c'est un espace-temps dans lequel on travaille sur le lien esprit-corps-âme et on évoque des choses qui nous relient.
C'est un moment sacré qui existe en dehors du quotidien et où on invite plus grand que soi à nous rejoindre dans le cercle.
Ici, c’est important de faire la différence entre sacré et religieux. Le sacré, c'est très personnel à chaque personne. Moi, ça va être l’intelligence subtile de la nature, la guidance des animaux, la toute-puissance de l'amour, la force que ça nous donne quand on est complètement nous-mêmes, la beauté en chaque chose. Pour une autre personne, ça pourrait être Jésus-Christ.
Les cercles sont des ruptures dans la journée, et chacun.e a son temps de parole.
On n’y discute pas, il n’y a pas de réponse, mais il y a une écoute. Soit, je pose une question, soit on se présente tout simplement. On parle de comment on se sent. Si on ne veut rien partager, ce qui est tout à fait ok aussi,, on prend quelques secondes pour comprendre comment on se sent, et on respire dans cette sensation, très simplement.
Ensuite, il y a un bâton de parole, qui se balade de personne en personne. Lorsque tu le tiens, c’est toi qui parles et les autres écoutent. Lorsque tu as fini de parler, tu passes le bâton. Cette pratique, je la trouve très intéressante, et je la recommande pour tous les domaines de vie : pour la gestion de conflits, pour les discussions importantes avec des gens que t’aime. C’est tellement génial d’arriver dans un espace de parole où tu sais qu’il y aura de l’écoute et pas d'intervention.
Je ne veux pas commencer des discussions, mais plutôt offrir un moment où toute personne peux être soi-même pleinement et partager sa vérité. Ce n'est pas quelque chose de très courant, donc c’est incroyable de pouvoir le vivre ensembles.
Aussi, c'est souvent des minorités que j’invite à se joindre à ce cercle. Ce sont donc des personnes à qui on a généralement coupé la parole, ou qui ont du mal à se faire entendre. C’est super beau de voir tout le monde si attentif et attentive. Puis, j’incorpore toujours une pratique de méditation. Parfois, il y a de la danse libre. J’intègre aussi une pratique créative, qui est écrite souvent.
Comme je le disais avant, l’idée principale de ce cercle est de célébrer. Aujourd’hui, il existe tout un tas d’espace et de moments pour la lutte, ce qui est nécessaire bien entendu, mais il manque cruellement d’espaces pour célébrer. Sinon, la vie est trop déséquilibrée. Il faut prendre le temps de célébrer nos différences, se célébrer soi, nous. C’est pour ça que je te disais que c’est quelque chose d’apolitique pour moi, parce qu’on lâche tout là, tout ce qui se rattache au mental, à la lutte.
Et comment est-ce que la magie se présente dans tes soirées ?
Le moment où j’invite le plus la magie est dans le cercle. C’est là que se dévoile la magie de chaque personne. Quand on accepte de s'ouvrir à des choses, qu'on accepte de mettre l'accent sur le beau et qu'on le fait dans un cadre qui a été ritualisé.
Il y a aussi la magie des mots, à travers nos lettres. Les mots détiennent un tel pouvoir : ils agissent comme des sorts. C’est pour ça que c’est tellement important. Dans ce moment-là, j’invite tout le monde à bien choisir le bon mot, prendre le temps de le trouver afin qu’il incarne vraiment ce qu’on veut dire.
Lorsque tu dis quelque chose, c’est déjà le début de quelque chose, d’une recherche sur soi. Ce qu’on se dit à soi-même, ça devient une partie de nous-même, y compris la façon dont on formule les choses. Est-ce que tu utilises des mots bienveillants à ton égard, ou pas du tout ? Ça transforme complètement ta réalité et ton rapport à toi. Donc la magie des mots a sa place dans ces cercles.
Ensuite, il y a la force de l’intention, qui se suit d’un certain nombre d’actions que tu vas mettre en place pour obtenir ce résultat. C’est ce que faisaient les sorcières, lorsqu’elles préparaient une potion. Quand tu utilises des plantes pour soigner quelqu’un, c’est aussi de la magie. Ici, ça opère différemment.
Puis, il y a toujours un autel, au centre, comme la forme du cercle est très importante. On est assis.e.s en cercle, et on s’oriente vers le centre sacré. Je le fais toujours moi-même avec des représentations des quatre éléments : une plante, la terre, une plume, de l’eau, et le feu d’une bougie. Aussi, j’ai toujours une petite besace avec moi que je remplis de petites choses que je trouve dans les forêts, que j’intègre aussi à cet autel. Il y a aussi à chaque fois du feu : on commence le rituel en brûlant une bougie, qui symbolise la flamme de la vie. Ensuite, il y a l’eau, que l’on boit à la fin du rituel pour absorber les fréquences vibratoires du cercle.
J’invite souvent les participant.e.s à mettre quelque chose sur l’autel s’iels veulent. Les gens apportent à chaque fois différentes choses. C’est l’occasion pour moi de rebondir au début, en demandant quelle signification a tel ou tel objet. C’est très beau de rentrer dans l’intimité de gens comme ça, sans que tu les aies jamais rencontrés. C’est très touchant ; presque de l’ordre du secret.
Il y a ensuite notre magie qui se propage dans la soirée. On est une vingtaine à avoir vécu cette expérience ensembles, et ensuite, ça se ressent dans la soirée. Chacun.e est comme un.e guardien.ne de cette énergie, et infuse ça dans l’espace de fête, à sa façon.
Et pour cette line-up, peux-tu nous en dire plus ?
Je cherche toujours à trouver des moyens d’avoirs des univers qui tranchent, pour éveiller la curiosité, de la forcer parfois. D’avoir un clash.
En début de soirée, Js Donny fait un live soft metal avec sila xd à la batterie pour une première à paris. Zoé Couppé fera une performance de storytelling, accompagnée de la comédienne Gaïa Warnant, où elle évoque de très belles choses sur sa grand-mère, et des personnages semi-fictifs au bord du rêve. C’est une proposition très différente de ce qu’on peut voir habituellement en soirée. Il y aura aussi des DJ sets de mad miran, et ojoo - avec qui j’ai très hâte de jouer en b2b -, qui sont deux des best dj pour moi sur la scène actuelle.
Il y aura aussi une scénographie créée par Amalia Jaulin. Comment est-ce que son univers va se déployer ?
Je ne donne pas d’instructions aux personnes que j'invite à jouer, j'aime aussi que la scénographe ait cette liberté. Souvent, elle me briefe sur sa direction artistique, mais elle me comprend très bien, donc je lui fais confiance. On a déjà travaillé ensemble. C’est un univers vraiment chaud-froid, assez dark, mais aussi de vraiment lumineux, de fluide et magique avec des clins d'œil aux éléments naturels. La roche, l’eau, ce sont des éléments phares. L’eau, c’est assez central dans son œuvre. Grâce à ça, le tout est assez ambiant, mais les textures viennent aussi trancher ça : il y a quelque chose d’agressif qui heurte la tranquillité du rêve. C’est difficile à représenter visuellement, mais elle le fait très bien et ça se rattache à l’idée de curiosité que je veux propager dans les Pu$$y Nightmare. C’est aussi l’occasion pour Amalia d’expérimenter de nouvelles choses cet espace de soirée, et c’est ce que je souhaite offrir à toustes les artistes qui passent par PU$$Y NIGHTMARE, un espace libre ou tu peux essayer des nouveaux trucs.
L’organisation de ces soirées, c'est comme un cadeau que tu t'offres à toi-même parce que j'imagine que tu vas passer par plusieurs étapes pour confectionner les soirées ?
Le cercle, c'est clairement un cadeau. Franchement, c'est le moment que je préfère. Celui qui, à mes yeux, légitime toute la soirée. J'ai assez de soirées dans ma vie. J’en suis vraiment contente, mais je n'en ai pas forcément besoin de plus. Je me nourris plus de marche, de nature, d’animaux. Et c’est ça qui justifie que j’ai envie d'organiser ma soirée dans cet ordre-là, de créer un autre espace de fête. C’est donc un cadeau que je me fais, et que je donne également aux autres à vivre. Si une personne vient, elle reçoit ce cadeau d’un moment dans le temps, mais elle se l’offre aussi parce que c’est cette personne qui a pris la décision de venir, de suivre la curiosité qui l’a poussée à venir s’asseoir dans le cercle.
Ensuite, j’organise la soirée toute seule, c’est vraiment beaucoup pour une seule personne. C’est pour ça que j’essaie de faire ça avec des artistes que je connais, d’inviter des gens avec qui je sais qu’on va passer un moment agréable, qui va au-delà de la soirée. J’invite les artistes à participer au cercle également. Je ne les force pas, mais je leur explique que le cercle est pierre angulaire de la soirée, ça permet d’être toustes sur la même fréquence.
Plus je guide de cercles, plus je me rends compte à quel point on a toustes réellement besoin de ce genre de moment. Ça inspire peut-être les gens à rechercher ces belles énergies de leur côté ensuite, de rejoindre d’autres cercles, de faire une pratique spirituelle ou corporelle qui les connecte à leur meilleure version d’elleux-mêmes.

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